Fantaisie
Convaincu de mon entière coopération
On m’escorte vers une salle anonyme, grise
Derrière la porte de laquelle
Je pèserai le pour et le contre
De la fantaisie de l’ici-bas
La chasse à l’homme étant résolue
J’envisage les conséquences
De ma réussite appelée un massacre
À la une des journaux
Bien qu’aucun témoin n’ait survécu
Mes empreintes sur l’arme du crime
Je vais tout avouer en bloc
Lors de l’impressionnante relecture
Des chefs d’accusation portés contre moi
On m’enlève les menottes
Puis ils sortent sans claquer la porte
Enfin seul
Je masse mes poignets
Las, fatigué mais serein
Syncope de dire aux poings
Fourrageant entre les verres de styromousse
Et des mégots écrasés sur la table
J’approche une feuille blanche, un stylo
Une mouche s’éloigne d’une chaise
Contemplatif je m’y assois
Ne peux plus nier
Tête renversée, les bras en croix
Je ne pense à rien, en admirant le plafond
Mon visage d’un coup sec se fronce
Mon esprit se contredit
Je pouffe de rire…
La chaise rebascule sur ses quatre pattes
Mes chaussures claquent contre le carrelage
Le léger ricanement m’émoustille
Car seuls mes aveux me séparent
De la dernière issue de secours
Si largement ouverte
Chose inattendue :
Les secondes passent tels de fins traits
À la lame de rasoir sur le torse
Je suis rechargé à bloc
Haussant les épaules, suivi d’un long soupir
Des larmes coulent sur mes joues
Refrénant ma joie, j’écris :
QUAND ON NE PEUT PLUS VIVRE
IL EST DIFFICILE DE NE PAS TUER!
En caractères détachés
Dans le gras de la page
Résigné, le dos voûté
Armé de mon seul siège
J’éteins l’interrupteur sans ciller
Je me loge à gauche derrière la porte
Tapi contre le mur, j’inspire à tout rompre
Soulevant la chaise à bout de bras
Je hurle :
AU SECOURS!!!
Seul dans le noir
D’une salle d’interrogatoire.
guimond - 1997